L'intelligence subtile du corps
Extrait du livre “Le pouvoir de l’esprit sur le corps” de Patrick Clervay
Dès l’aube de la médecine, la nature fut considérée comme une puissance supérieure, douée d’une forme d’intelligence dans le sens où elle suit un programme. Le lien entre le corps et le psychisme est fort, et indissociable, vivant dans la même vie, mais il reste encore assez mystérieux. Pourtant le corps et l’esprit sont d’une seule et même origine. Selon les anciennes médecines, à l’approche du vitalisme et du positivisme, on peut dire que la guérison est un pouvoir qui naît de l'interaction des deux. Alors que la médecine conventionnelle a fait d’énormes progrès, elle comporte néanmoins des limites, beaucoup de patients ayant une clinique complexe ont recours à des médecines anciennes, holistiques, qui apportent un soulagement très efficace. Entre le corps et l’esprit, qui sont deux choses totalement distinctes, et pourtant un lien étroit est évident à comprendre, alors pourquoi est il si souvent ignoré, séparé ? Si la volonté fait mouvoir les muscles, si la frayeur trouble la circulation , si le chagrin entrave la nutrition, comment comprendre la vie des organes sans faire la part de cette influence?
Patrick Clervay, médecin psychiatre, professeur agrégé du Val-de-Grâce, nous propose de prendre en compte la dimension inexplorée de la guérison: la force vitale de l’être humain. Curieux et à la recherche de la vérité et du bon, on peut comprendre que ce thème a été une urgence pour lui d’investiguer et de partager compte tenu du mystère de ce lien et de ces miracles. En tant que médecin et homme, il évoque que notre corps est une machine complexe, sensible, et aux ordres de notre mental, que nous devons conscientiser pour prendre soin de soi, et se guérir.
Un corps, deux types de médecines
Un corps est un tout unique, mais la vision globale et particulière s’opposent en médecine.
Pour Hippocrate, une personne est un ensemble et sa santé vient de l’équilibre des trois humeurs: sang, bile, lymphe. D’où l’arrivée du concept de la psychosomatique, “l’acte thérapeutique consiste à remettre l’ensemble en état d’équilibre”. (p203)
Galien, voit l’organisme comme un ensemble de parties distinctes. Ainsi, sa vision est focalisée sur un organe à la fois, typique de notre médecine occidentale conventionnelle. On peut en déduire que ces deux visions amènent un type de médecine différents pour chacunes d’entre elles.
Notre corps, notre avatar
Tout est mouvement dans notre corps, tout est cyclique. Patrick Clervay soulève que “ce n’est pas par “vieillissement” que le cerveau perd des neurones, mais par un processus actif de déconstruction et de réorganisation permanente” (p238). Comme résumait la belle phrase d’Antoine de Lavoisier “Rien ne se perd. Rien ne se crée. Tout se transforme!” (p115)
De plus, nos organes communiquent et échangent entre eux de manière à se soutenir et à s’équilibrer mutuellement. Comme par exemple, le réflexe oculo cardiaque ; une action sur les globes oculaires (appui) produit un effet sur le coeur (baisse du débit cardiaque).
L’organisation neurologique de notre système vital est désignée depuis longtemps sous le terme de système sympathique (du grec et signifie “ ce qui interagit ensemble”) c’est lui qui contrôle le fonctionnement de l’ensemble des glandes de notre organisme, les sécrétions diverses, la circulation sanguine, la motricité des viscères comme le tube digestif ou le système urinaire. Lors d’une émotion, ce système est complètement perturbé. La neuromodulation intervient dans notre guérison et “ce processus actif tient un rôle fondamental dans les processus psychiques de survenue des maladies psychosomatiques et dans les processus psychique de guérison.” (p238) L’auteur soulève le fait que la médecine moderne a perdu de vue l’étude des perturbations du système sympathique.
L’énergie vitale et ses mystères
Hippocrate considérait que la natura medicatrix (natura, en grec, signifie “ce qui naît”) était une puissance supérieure, Son idée maîtresse, “c’est que la maladie n’est pas une succession de phénomènes bizarres et désordonnés, sans loi, mais un enchaînement de phénomènes. La maladie est réglée. Elle suite un ordre de progression. Elle obéit à des lois, quelque soit l’organe” (p 178). Hippocrate, est considéré comme positiviste dans son ouvrage Des lieux dans l’homme en disant que “la nature du corps est le commencement du raisonnement médical.” (p178) La clé du vitalisme réside dans le fait que chaque événement dans notre corps est une manifestation de cette force vitale, et la maladie elle même, au lieu d’être une défaite, témoigne de l’effort de la nature pour rétablir la santé.
Patrick Clervay a regardé de plus près ce qu’était le vitalisme qui est “le courant de pensée qui s’intéresse aux forces vitales, à cette énergie mal connue qui nous anime et nous répare lorsque nous sommes malades” (p 175). La guérison viendrait de cette énergie interne qui ne cesse de réparer ces dommages. Passionné par l’activité incessamment productive de la vie, Emile Littré renforce ce mouvement en médecine positiviste, en déclarant que “la pathologie n’est pas autre chose que la physiologie dérangée”. (p177)
La vie n’est pas l’opposé de la mort, c’est la naissance, le phénomène de l’apoptose, mort cellulaire programmée, soutient très bien ce fait, “la mort est programmée dès le début “(p117). La vie et la mort sont étroitement liés, et sans cesse en relation, par contre la naissance est un moment particulier. La propriété qui aidait le corps à se conserver, c’est cette énergie que Paracelse, au Moyen Age, nommait liquor vitae - liqueur de vie- et la comparait à “ la sève d’un arbre, vigoureuse est abondante chez le jeune homme, rare et désséchée chez le veillard.” (p91)
Discordance
Nous disposons de protocoles thérapeutiques de plus en plus précis et puissants, et parallèlement nous nous engageons dans des modes de vie qui augmentent la morbidité et la mortalité, du fait de la pollution, des machines ou de la consommation de produits toxiques fabriqués à l’échelle industrielle comme le tabac. Malheureusement, avec l’esprit moderne, le vitalisme disparut. La méthode expérimentale et la technique prirent le pas sur les anciennes conceptions médicales.“Pourquoi la puissance du saint, si forte qu’elle peut apporter la guérison, n’est-elle pas capable de la procurer sans douleur!” (Emile Littré, p185) Patrick Clervay nous rappelle que lorsque l’on observe les guérisons miraculeuses, “être positiviste, c’est garder une posture sceptique, quoi que l’on puisse voir et comprendre; mais être positiviste, c’est aussi accepter les phénomènes tels qu’ils se présentent, même s’ils dérangent l’esprit scientifique.” (p185) Aujourd’hui les médecines alternatives évoquent une énergie universelle, des vibrations cosmiques. C’est l’un des aspects étranges et émouvants de la médecine.